mercredi 11 janvier 2012

M Barabbas (variante de M Hacket 2)

Plus enflée, gonflée d'un style méticuleusement sophistiqué, jusqu'à la caricature, avec un clin d'oeil à la religion en contre point, cette version se lit d'une traite et sans dictionnaire, juste avec la musique des mots.


Vagissements de chérubins. Tintinnabulum frangé par l’autan noir de 12h. Il floconne des larmes de cinabre verglacées sur la pelouse immaculée. Tout pantelant, sa griserie agreste toute infantile comme surinée par la chute, l’enfant se redresse, hagard, les bras en croix répandu, tel un Adonis éployé en lambeaux, un rien vacillant. Déjà loin, les trépidations mécaniques d’une brume d’angelots cendrés éclipsée par le vent. Dressé, là devant, tel un aulne savant, figure hiératique marmoréenne enracinée dans ce jardin odoriférant, une relique des temps anciens, le pater noster, tel un vieux parchemin à l’encre douloureuse effacée par le sel, est juché sur son assise. Il psalmodie en marmottant entre ses dents une politesse d’usage, ave Maria, et s’en retourne à son caveau de famille tout en bois de sapin. L’enfant roi prend sa place sur le trône. Affleure alors à la lisière de cette scène bucolique une jeune mariée virginale dans sa toilette diaphane. La mantelure opaline de son voile de pudeur jette sur ses fesses laiteuses un éclat lunaire éburnéen. Enroulant de ses doigts glissants le membre raidi d’un éphèbe au bras chancelant. Lui laisse tomber une pomme dans la fange humide et douce d’un coteau vallonné. A cette apparition, l’angelus se souvient qu’il est l’heure de la cène, et s’en va, bien heureux, à l’évocation de ce festin messianique. Et nos deux mignards peccamineux s’en vont gîter dans leur thébaïde de fortune, entre les deux branches ardentes d’un buisson foisonnant. Quand surgit sans crier gare, du sombre repli d’une venelle végétale,  un reitre pouacre et nidoreux, le visage rubicond boursouflé par le vice et l’envie. Au comble de l’anadipsie, le pauvre hère se fait tour à tour rhéteur, laudateur, avant de se répandre en indiscrètes confessions. Ainsi, ployé par l’inclémence d’une existence au service de ses pairs, eût-il été compagne plus tendre pour notre pauvre commis que ce carafon de spiritueux aride, qu’il transbahutât fébrilement de ses mains noueuses, la question jamais ne devait trouver chemin vers son esprit grisé . Hermétiques à toute forme de pathos thuriféraire, les amants maudits, suivant le vol des grives, s’en vont se cacher dans leur nid douillet. 

  Demeuré seul,  le disert malandrin contemple en se bâfrant, l’œil à demi éteint, la recette de son larcin. Quelques piécettes dorées ou vermeilles, poussière luisante empruntée à la piétaille ingénue. Figues et chardons brandillés par la brise, le vent d’autan siffle son noir cantique, canticum canticorum, canticum canticorum, canticum…les lèvres luisantes de miel et de lait, l’œil embué par l’ivresse de l’instant, l’esprit bat la campagne à travers les champs d’ivraie bourgeonnés, enjambe dans un lyrique bondissement les ruisseaux de vin antalgique, survole les montagnes en peau de seins et de satin, se déploie là haut dans les voiles alabastrines, toujours plus grêles, lys et neige de soie noire découpés par le vent..Un craquement, et voilà que, ramenant vers lui son reliquaire en peau de croco et croix fleuronnée, le jeune séraphin s’enfuit au travers des entrelacs d’aubépine. Ainsi revient le père de sa flânerie liturgique, n’ayant trouvé nul  autre que l’écho de ses psaumes sifflotés, dans le sépulcre déserté. Il prend place  un moment pour déguster son pain béni, et contempler la scène, de haut. Un ange chute. Larmes de sang. Là bas, on sonne les matines. Râles de plaisir.