Vagissements
de chérubins. Tintinnabulum frangé
par l’autan noir de 12h. Il floconne des larmes de cinabre verglacées sur la
pelouse immaculée. Tout pantelant, sa griserie agreste toute infantile comme
surinée par la chute, l’enfant se redresse, hagard, les bras en croix répandu,
tel un Adonis éployé en lambeaux, un rien vacillant. Déjà loin, les
trépidations mécaniques d’une brume d’angelots cendrés éclipsée par le vent. Dressé,
là devant, tel un aulne savant, figure hiératique marmoréenne enracinée dans ce
jardin odoriférant, une relique des temps anciens, le pater noster, tel un vieux parchemin à l’encre douloureuse effacée
par le sel, est juché sur son assise. Il psalmodie en marmottant entre ses
dents une politesse d’usage, ave Maria,
et s’en retourne à son caveau de famille tout en bois de sapin. L’enfant roi prend
sa place sur le trône. Affleure alors à la lisière de cette scène bucolique une
jeune mariée virginale dans sa toilette diaphane. La mantelure opaline de son
voile de pudeur jette sur ses fesses laiteuses un éclat lunaire éburnéen.
Enroulant de ses doigts glissants le membre raidi d’un éphèbe au bras
chancelant. Lui laisse tomber une pomme dans la fange humide et douce d’un
coteau vallonné. A cette apparition, l’angelus se souvient qu’il est l’heure de
la cène, et s’en va, bien heureux, à l’évocation de ce festin messianique. Et nos
deux mignards peccamineux s’en vont gîter dans leur thébaïde de fortune, entre les
deux branches ardentes d’un buisson foisonnant. Quand surgit sans crier gare,
du sombre repli d’une venelle végétale, un
reitre pouacre et nidoreux, le visage rubicond boursouflé par le vice et
l’envie. Au comble de l’anadipsie, le pauvre hère se fait tour à tour rhéteur,
laudateur, avant de se répandre en indiscrètes confessions. Ainsi, ployé par
l’inclémence d’une existence au service de ses pairs, eût-il été compagne plus
tendre pour notre pauvre commis que ce carafon de spiritueux aride, qu’il transbahutât
fébrilement de ses mains noueuses, la question jamais ne devait trouver chemin
vers son esprit grisé . Hermétiques à toute forme de pathos thuriféraire, les
amants maudits, suivant le vol des grives, s’en vont se cacher dans leur nid
douillet.
Demeuré seul, le disert malandrin contemple en se bâfrant,
l’œil à demi éteint, la recette de son larcin. Quelques piécettes dorées ou
vermeilles, poussière luisante empruntée à la piétaille ingénue. Figues et
chardons brandillés par la brise, le vent d’autan siffle son noir cantique, canticum canticorum, canticum canticorum,
canticum…les lèvres luisantes de miel et de lait, l’œil embué par l’ivresse
de l’instant, l’esprit bat la campagne à travers les champs d’ivraie bourgeonnés,
enjambe dans un lyrique bondissement les ruisseaux de vin antalgique, survole
les montagnes en peau de seins et de satin, se déploie là haut dans les voiles
alabastrines, toujours plus grêles, lys et neige de soie noire découpés par le
vent..Un craquement, et voilà que, ramenant vers lui son reliquaire en peau de
croco et croix fleuronnée, le jeune séraphin s’enfuit au travers des entrelacs d’aubépine.
Ainsi revient le père de sa flânerie liturgique, n’ayant trouvé nul autre que l’écho de ses psaumes sifflotés,
dans le sépulcre déserté. Il prend place
un moment pour déguster son pain béni, et contempler la scène, de haut. Un
ange chute. Larmes de sang. Là bas, on sonne les matines. Râles de plaisir.
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