mardi 19 avril 2011

Monologue et défi aux conventions

      
      On a trop tendance à confondre contenant et contenu, l’idée et son enveloppe, son présentoir. Prenons l’écriture par exemple : elle traduit avant tout une certaine forme de liberté, l’auteur exprimant ce qu’il est ou ce qu’il a (ce qui revient au même, nos objets sont nos miroirs) de la manière dont il l’entend…pas si simple me direz vous, quand la syntaxe propre à une langue offre des limitations et encadrements dans le raisonnement, dans le fil de la pensée et finalement aussi dans celui de l’écriture (on retrouve ici les travaux philologiques de Saussure et sa fameuse « mécanique du langage »).
Mais je ne veux pas aller aussi loin. Votre serviteur, mû par une idée romantique de l’écriture, demeurait persuadé que toutes les plateformes sur internet dédiées à l’écriture refléteraient cette liberté de penser dans leur fonctionnement, puisque devant réunir en un même faisceau d’écritures multicolores une même et vibrante passion….chimères ! La première (et dernière) plateforme dans laquelle j’ai échoué, telle l’île du Docteur Moreau avait des abords plutôt charmants…En effet, il semblait y régner en permanence un climat subtropical, les esprits s’échauffant dans la rédaction de nombreux textes, qu’un rivage de commentaires, critiques et annotations diverses devaient tempérer..Tout une communauté joyeuse, un club de vacances, sous l’œil attentif de quelques « gentils organisateurs » (GO) tels que présentés…

    Hélas, bien vite, je déchantais ! Appâtés par la facilité d’une gloire éphémère, affamées de reconnaissance carnassière, certaines formes étranges d’auteurs qu’une série d’encouragements avaient fait muter en monstres d’orgueil et de vanité boursoufflée, ne reculaient devant rien pour s’attirer un peu les clameurs d’une foule de plus en plus lointaine, indifférente. Copiant ainsi des pans entier de texte d’auteurs ou pis, de journalistes connus (j’ai ainsi reconnu mot pour mot une émission sur radio France : « les pourquoi » avec Philipe Vandel), ils guettaient la moindre occasion de rentrer dans la lumière, de se vautrer impudiquement dans la fange d’une indigne gloire usurpée, dans la clameur des badauds en vérité un peu circonspects, déjà las de tant d’étalage de talents à critiquer (et en vérité de plus en plus difficiles à satisfaire, d’où peut être cette surenchère de certains)…Bref, pour canaliser ces minotaures aveugles, mi auteurs, mi copieurs, que pouvaient trouver de mieux les administrateurs de ce bestiaire qu’un labyrinthe, tortueux et sinueux !Et c’est ce qu’ils ont fait, classant, sous classant, compartimentant chaque action, thème, initiative (de la présentation de base en passant par la signature très protocolaire de la « charte d’adhésion » jusqu’à l’ultime révérence courroucée mais motivée, svp), rendant impraticable ce qui devait aller de soi, s’écouler librement comme l’écriture…Je me souviens ainsi d’un thème amusant, dont je m’étais surpris à constater qu’il n’avait pas trouvé beaucoup d’écho, dans une rubrique « battle » (odieux anglicisme dans un site de littérature/écriture française), joute dirons nous : il s’agissait de dépeindre poétiquement les corvées du quotidiens, et d’affronter ce faisant d’autres plumes acérées. Le problème se situait dans l’accès au tournoi : il fallait envoyer une requête motivée à l’administrateur, suivi d’un exemplaire de son texte, après quoi il était décidé, moyennant une éventuelle censure, de déclarer ou non la participation à la joute (mais dans quelle extrémité confinée du blog, je ne suis jamais parvenu à le découvrir)…Ajoutons à cela la condescendance de geôliers forts contents de leur petite personne, et l’enceinte de cette île aux écrits empoisonnés se révéla vite étouffante, la plume ne pouvant composer avec les lenteurs d’une administration de circonstance…

  Bref, rescapé bien malgré moi, sauvé des eaux empoisonnées charriées par un torrent d’hypocrisie et de craintes (des usagers du site par rapport à leurs geôliers, brandissant la menace constante d’une répudiation), je me suis retrouvé au dehors, un peu hébété, les yeux encore aveuglés par la lumière vive de la Raison présidant loin de ce enfer surpeuplé, la bouche pâteuse à cause des antibiotiques (anecdotique).

  Que me restait-il donc de mieux à faire que de relever ce défi, cet exercice de style, malgré tout, ici même ? C’est avec enthousiasme que je vais m’y employer. Si quelque lecteur de ce billet souhaite à ce titre me faire mordre la poussière virtuelle sur mon propre fief, je l’attends, pied à l’étrier.

Boutant la saleté odieuse hors de chambre
A l’aide d’une ou deux pelletée sur la crasse duveteuse
Les nuages de poussière, les rivières d’eau croupie, paysage d’automne et d’ambre
Au savon laiteux et malade, viennent se fondre dans l’écume soyeuse
Incipit laborieux, la ménagère se cambre
Sur son front cramoisi,  là où insidieuses, elle voit les rides qui se creusent

   

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