lundi 26 décembre 2011

CLOC


    Soudain. Cloc. Le silence envahit la pièce. Cloc. Presque machinalement. Cloc. Il ouvre les yeux. Cloc. Déjà debout. Cloc. Au milieu de la pièce. Cloc. Son lit défait. Cloc. Ombre parmi les ombres. Cloc. La lune. Cloc. Absente pour le moment. Cloc. Sa femme. Cloc. Elle ne reviendra pas. Cloc. Noyée dans la nuit noire et profonde. Cloc. Elle émet un craquement sous son poids. Cloc. Cette rambarde sur laquelle pèsent des siècles. Cloc. Son reflet s’efface dans le miroir. Cloc. Noir comme la nuit. Cloc. Son œil grand ouvert regarde mais ne voit pas. Cloc. Les yeux dans les yeux. Cloc. Elle contemple longuement cette statue. Cloc. Figure inhumaine glacée par l’ennui. Cloc. La dépouille du défunt mari trône tel un trophée. Cloc. Au loin, dans la chambre des invités. Cloc. Gît par terre une horloge en bois verni qui s’est arrêtée. Cloc. La pointe de l’aiguille sur le 12. Cloc. Une seringue empêche ses aiguilles de tourner. Cloc. Un filet noirâtre discrètement macule ses flancs. Cloc. L’esprit prompt mais les muscles endoloris. Cloc. Le mari gît sagement dans son ultime tombeau. Cloc. Les pensées vers cette pièce de bois maculée de curare. Cloc. Là haut, on aère la pièce et jette avec un empressement sincère de bien douloureux souvenirs. 

jeudi 22 décembre 2011

M Beaumont (variante de M Hacket 1)

C'est la première pièce d'un grand puzzle, devant mener à un plus grand puzzle. Cette version, ce morceau, fragment, cette pièce se veut  porter le récit en France, où l'on sait que les fonctionnaires y fleurissent souvent en couples, tels de bien heureux bouleaux, et dans une région où la pluie, mélancolique, semble plus à propos que la neige.

M Beaumont 
  
Cris d’enfants. Carillon de 12h. Une pluie fine saupoudre le jardin des senteurs. Encore engourdi par sa chute, l’enfant se relève un peu chancelant. Au loin l’écho de rires d’écoliers happé par le vent. Devant un vieil homme affalé sur son banc. Il étouffe un sanglot  et s’enfuit prestement. L’enfant prend sa place sur le banc. Arrive une jeune mariée visage jaune sur ce paysage jeune. A son bras un jeune homme au visage plus jaune encore. A sa vue l’enfant ouvre les yeux tout grand et s’en va en courant. Et le couple se pelotonne sur le banc glacé en murmurant. C’est alors qu’apparaît un agent de police d’un buisson ardent. Assoiffé, serrant sur son cœur une bouteille d’eau de vie de Charente, le fonctionnaire ventru et moustachu apostrophe les amants.  Comme un seul homme, ils se lèvent et disparaissent en un instant. Le fonctionnaire va titubant rejoindre son banc. Dans son veston une photo défraichie de sa femme. Ses pensées la rejoignent l’éternité d’un instant. Quand arrive un vieux monsieur, clopinant et glissant. Il jette un regard triste vers le policier, qui cède sa place en grommelant. Alors, enfin affalé sur son banc, le regard tout humide de cet horizon qui pleure, le vieil homme lève les yeux au ciel, qui le regarde, qui l’attend. C’est alors qu’un groupe d’enfants, en bousculant un autre, s’éloignent en courant. Ne reste qu’un seul morveux, tout tremblotant, resté planté, là, un peu gauchement. Le cœur serré, les mains glacées, le vieil homme quitte les lieux promptement, sans se retourner. Cris d’enfants. Carillon de 12h. Une pluie fine saupoudre le jardin des senteurs.

   

vendredi 9 décembre 2011

M Hacket

  Cris d’enfants. Carillon de 12h. Il neige sur Saint James Park. Encore engourdi par sa chute, l’enfant se relève un peu chancelant. Au loin l’écho de rires d’écoliers happé par le vent. Devant un vieil homme affalé sur son banc. Il étouffe un sanglot  et s’enfuit prestement. L’enfant prend sa place sur le banc. Arrive une jeune mariée tout en blanc sur ce paysage blanc. A son bras un jeune homme au visage plus blanc encore. A sa vue l’enfant ouvre les yeux tout grand et s’en va en courant. Et le couple se pelotonne sur le banc glacé en murmurant. C’est alors qu’apparaît un agent de police d’un buisson ardent. Assoiffé, serrant sur son cœur une bouteille d’eau de vie d’Ecosse, le fonctionnaire ventru et moustachu apostrophe les amants.  Comme un seul homme, ils se lèvent disparaissent en un instant. Le fonctionnaire va titubant rejoindre son banc. Il cuve sa solitude depuis l’on ne sait combien de temps. Quand arrive un vieux monsieur, clopinant et glissant. Il jette un regard triste vers le policier, qui cède sa place en grommelant. Alors, enfin affalé sur son banc, le visage poudré de flocons de neige grisonnants, le vieil homme lève les yeux au ciel, qui le regarde, qui l’attend. C’est alors qu’un groupe d’enfants, en bousculant un autre, s’éloignent en courant. Ne reste qu’un seul morveux, tout tremblotant, resté planté, là, un peu gauchement. Le cœur serré, les mains glacées, le vieil homme quitte les lieux promptement, sans se retourner. Cris d’enfants. Carillon de 12h. Il neige sur Saint James Park.

mardi 19 avril 2011

Monologue et défi aux conventions

      
      On a trop tendance à confondre contenant et contenu, l’idée et son enveloppe, son présentoir. Prenons l’écriture par exemple : elle traduit avant tout une certaine forme de liberté, l’auteur exprimant ce qu’il est ou ce qu’il a (ce qui revient au même, nos objets sont nos miroirs) de la manière dont il l’entend…pas si simple me direz vous, quand la syntaxe propre à une langue offre des limitations et encadrements dans le raisonnement, dans le fil de la pensée et finalement aussi dans celui de l’écriture (on retrouve ici les travaux philologiques de Saussure et sa fameuse « mécanique du langage »).
Mais je ne veux pas aller aussi loin. Votre serviteur, mû par une idée romantique de l’écriture, demeurait persuadé que toutes les plateformes sur internet dédiées à l’écriture refléteraient cette liberté de penser dans leur fonctionnement, puisque devant réunir en un même faisceau d’écritures multicolores une même et vibrante passion….chimères ! La première (et dernière) plateforme dans laquelle j’ai échoué, telle l’île du Docteur Moreau avait des abords plutôt charmants…En effet, il semblait y régner en permanence un climat subtropical, les esprits s’échauffant dans la rédaction de nombreux textes, qu’un rivage de commentaires, critiques et annotations diverses devaient tempérer..Tout une communauté joyeuse, un club de vacances, sous l’œil attentif de quelques « gentils organisateurs » (GO) tels que présentés…

    Hélas, bien vite, je déchantais ! Appâtés par la facilité d’une gloire éphémère, affamées de reconnaissance carnassière, certaines formes étranges d’auteurs qu’une série d’encouragements avaient fait muter en monstres d’orgueil et de vanité boursoufflée, ne reculaient devant rien pour s’attirer un peu les clameurs d’une foule de plus en plus lointaine, indifférente. Copiant ainsi des pans entier de texte d’auteurs ou pis, de journalistes connus (j’ai ainsi reconnu mot pour mot une émission sur radio France : « les pourquoi » avec Philipe Vandel), ils guettaient la moindre occasion de rentrer dans la lumière, de se vautrer impudiquement dans la fange d’une indigne gloire usurpée, dans la clameur des badauds en vérité un peu circonspects, déjà las de tant d’étalage de talents à critiquer (et en vérité de plus en plus difficiles à satisfaire, d’où peut être cette surenchère de certains)…Bref, pour canaliser ces minotaures aveugles, mi auteurs, mi copieurs, que pouvaient trouver de mieux les administrateurs de ce bestiaire qu’un labyrinthe, tortueux et sinueux !Et c’est ce qu’ils ont fait, classant, sous classant, compartimentant chaque action, thème, initiative (de la présentation de base en passant par la signature très protocolaire de la « charte d’adhésion » jusqu’à l’ultime révérence courroucée mais motivée, svp), rendant impraticable ce qui devait aller de soi, s’écouler librement comme l’écriture…Je me souviens ainsi d’un thème amusant, dont je m’étais surpris à constater qu’il n’avait pas trouvé beaucoup d’écho, dans une rubrique « battle » (odieux anglicisme dans un site de littérature/écriture française), joute dirons nous : il s’agissait de dépeindre poétiquement les corvées du quotidiens, et d’affronter ce faisant d’autres plumes acérées. Le problème se situait dans l’accès au tournoi : il fallait envoyer une requête motivée à l’administrateur, suivi d’un exemplaire de son texte, après quoi il était décidé, moyennant une éventuelle censure, de déclarer ou non la participation à la joute (mais dans quelle extrémité confinée du blog, je ne suis jamais parvenu à le découvrir)…Ajoutons à cela la condescendance de geôliers forts contents de leur petite personne, et l’enceinte de cette île aux écrits empoisonnés se révéla vite étouffante, la plume ne pouvant composer avec les lenteurs d’une administration de circonstance…

  Bref, rescapé bien malgré moi, sauvé des eaux empoisonnées charriées par un torrent d’hypocrisie et de craintes (des usagers du site par rapport à leurs geôliers, brandissant la menace constante d’une répudiation), je me suis retrouvé au dehors, un peu hébété, les yeux encore aveuglés par la lumière vive de la Raison présidant loin de ce enfer surpeuplé, la bouche pâteuse à cause des antibiotiques (anecdotique).

  Que me restait-il donc de mieux à faire que de relever ce défi, cet exercice de style, malgré tout, ici même ? C’est avec enthousiasme que je vais m’y employer. Si quelque lecteur de ce billet souhaite à ce titre me faire mordre la poussière virtuelle sur mon propre fief, je l’attends, pied à l’étrier.

Boutant la saleté odieuse hors de chambre
A l’aide d’une ou deux pelletée sur la crasse duveteuse
Les nuages de poussière, les rivières d’eau croupie, paysage d’automne et d’ambre
Au savon laiteux et malade, viennent se fondre dans l’écume soyeuse
Incipit laborieux, la ménagère se cambre
Sur son front cramoisi,  là où insidieuses, elle voit les rides qui se creusent

   

jeudi 14 avril 2011

Quelques grammes de sexisme poivré dans ce monde d’égalité parfaite

  L’autre jour, une femme anonyme  me faisait remarquer sur la boîte mail de mon compte yahoo Q/R(oui, il est plus facile de m’envoyer un mail sur mon compte Q/R que de déposer un commentaire sur mes billets de blog, tout cela est très logique) que mon caractère, outre un certain nombre de défauts dont elle me dressait la liste généreuse (liste que le manque de place sur ce blog ne me permettra hélas pas de retranscrire ici dans sa plus exhaustive forme), comprenait une manifestation avancée de sexisme. Sur quoi je lui demandais bien sûr de m’expliquer en quoi j’aurais pu faire preuve, à quelque titre que ce soit, de cette maladie de l’homme communément attribuée à lui par les femmes, incidemment.  Elle me rétorqua alors, sur le ton adoucis de la réprimande compréhensive (après tout, que n’étais-je d’autre qu’un homme) que je l’aurais rencontrée, il y a de cela fort longtemps, sur cette plateforme d’échange intellectuel et de partage mutuel qu’est yahoo Q/R, et que j’aurais tenu des propos déplacés à l’égard de la gente féminine. Je lui fis remarquer bien sûr que le système même de yahoo Q/R (mais pléthore d’autres aussi, construits sur le même principe) encourageait, facilitait la composition d’un masque, d’un jeu scénique, sous couvert d’un juste anonymat, et que mon caractère « dans la vie réel », s’il comportait des défauts, ne les réunissait peut être pas tous comme dans ce personnage, ou tout du moins pas dans une proportion aussi flagrante,  ce qui m’amène à traiter deux points.

  J’adore les femmes, sur un air de Julien Clair, ou de « il était une fois » de Richard Dewitte (avec la sculpturale Joëlle Mogensen ). Oui, il était une femme, la femme à elle seule est un conte pour grands enfants, une valse à deux temps qui s’écrit au présent, au passé, au futur... un regard  enveloppant croisé, capté, précieusement recueilli  dans la prime jeunesse et qui vous fait encore frémir lorsque vous comparaissez devant la porte cochère de la vieillesse. Il y a de la magie dans ce regard, les milles et une nuits, les mille et une vies de femmes qui se ressemblent et s’opposent tout à la fois, les mille et une facette du même mystère. Mystère pour l’homme, pauvre ère, toujours perdu, deux tours de retard, pauvre fou sur l’échiquier, bien loin en tout cas du personnage épique désiré toute leur vie par ces éternelles petites filles, qu’une savante propagande littéraire enfantine aura conduit à rêver du parfait mélange de l’humain, la beauté, la richesse, l’intelligence et le charme en prime, une créature mythologique que l’on ne saurait rencontrer que dans les musées.  Les relations de la femme avec l’homme sont un savant jeu diplomatique de choses murmurées du regard et de choses entendues, ce que Pierre Bourdieu appellerait d’une manière fort disgracieuse « la notion de face ou de rôle », un masque que chaque individu revêt pour évoluer en société, et se conformer aux différents codes des différents milieux où il évolue..

Ce qui m’amène  insidieusement à mon deuxième point : la notion de masque sur certains forums.  Incontournable, nous l’avons vu, en société, le rôle du masque dans les forums peut revêtir aux yeux de certains, certaines un caractère intolérable, non pas car il existe, mais bien car il est manifeste, exagéré, amplifié jusqu’à la bouffonnerie la plus grotesque et divertissante. Bien sûr, le système encourage cela,  la présentation anonyme (ou avec des pseudos fantaisistes), l’adjonction d’informations complémentaires invérifiables (photos, date de naissance, genre, profession) ou leur absence permet réellement de se reconstituer une identité, de faire fi d’un apparaître, d’une apparence corporelle et de gestuelles, habillements ou mimiques avec lequel l’on avait coutume de composer en société, pour lui substituer une existence virtuelle basée sur les seuls mots, le discours donnant à lui seul vie au personnage, étrange défi, admirable enjeux. Le revers de la médaille est la perte de repères pour les autres usagers du forum, petits nouveaux ou vieux monuments suffisamment ancrés dans une situation de complète transparence par rapport à leur « vraie vie » pour qu’il leur semble illégitime de ne pas pouvoir s’appuyer sur les quelques données « civiles » délivrées (ou non) par les autres usagers.

Tout ceci pour conclure que si même les diamants ont plusieurs facettes, les simples cailloux peuvent receler aussi quelques mystères, pour peu qu’on les oriente dans la bonne direction.


mardi 12 avril 2011

La nuit au bout du tunnel?

  C'est un fait, l'on attribue souvent aux "artistes" les plus talentueux (reconnus dirons-nous) une certaine capacité d'abstraction par rapport au monde des gens dits "normaux", leur marginalité leur conférant une certaine aura, mieux, un cheminement historique en dehors des sentiers de la convention, cheminement qui devrait, à lui seul, expliquer, justifier, légitimer sinon la réussite elle même, du moins le talent tel que reconnu à l'artiste ainsi proclamé (le plus souvent à juste titre, d'ailleurs). Tout se passe comme si le confort devait avorter l'inspiration, comme si seule une misérable existence de gueux asocial, véritable reître sans manière, pouvait assurer à elle seule la qualité d'une production...en somme, une sorte de fumier, moisissure de vie gâchée, sacrifiée sur l'autel d'un printemps de la création, avant que ne disparaisse prématurément, fauché à l'automne de sa gloire, l'artiste opportunément immortalisé, la chute du dieu grec vivant, moissonné en pleine jeunesse, son sourire de marbre pour ultime "au revoir".

Je devrais ainsi me réjouir, mieux, rendre grâce aux dieux d'avoir bien voulu jalonner de tant d’embûches la mise en place de mon humble blog dans les conditions que je souhaitais (avec des commentaires libres et une possibilité de rémunération, et bien sûr avec un public, détail non négligeable). Dernière déconvenue dans cette aventure, le délitement de mon écran, qui semble se faire plus vieux que moi et souffre, par endroits, d'une myopie avancée.Mon bon coeur aidant, j'achèverais bien la pauvre bête, agonisante, hélas!Les tapis du salon ne sont pas cousus de fils d'or, le roi Midas n'ayant pas daigné élire refuge dans mon domicile..bref, je dois faire contre mauvaise fortune bon blog. Pas facile. Et lorsque je songe à Homère, ce noble et antique vieillard, atteint de cécité vers la fin de sa vie, après avoir guidé tant et tant de gens (ce qui est encore bien loin d'être mon cas, est il seulement utile de le préciser?), je me demande si le destin de l'artiste, du créateur, du vrai, n'est pas voué au tragique (et surtout s'il est strictement nécessaire que je le suive dans cette voie "obscure", c'est le moins que l'on puisse dire, pour aboutir à quelque écrit sensé...).


lundi 11 avril 2011

Web 2.0 participatif

  Ce qu'il y a bien avec internet, c'est que l'on peut créer, échanger, collaborer ensemble sur un projet et pourquoi pas apporter son savoir faire sur une question donnée (avec la promesse tacite que le questionneur apportera lui aussi son aide au questionné, dans la mesure de ses compétences, le temps venu).


  Et c'est sur ce point que je veux vous mener. En effet, la démarche qui est mienne s'inscrit dans deux axes: - écrire dans un blog non seulement beau mais encore accessible à tous, l'accès aux commentaires ne devant pas être bridés par de laborieuses et obscures inscriptions dans telle ou telle plateforme. Les commentaires d'anonymes ou de contacts doivent pouvoir se mêler dans la joie et l’allégresse (ou dans l'indignation et la consternation, c'est selon), le dialogue doit construire ce blog, la critique des contacts étant par nature biaisée ("j'écris quelque chose de gentil et policé pour avoir la joie de recevoir, en retour, des commentaires sur ma propre page"). Je veux qu'on m'insulte, qu'on me crache virtuellement au visage, si le coeur vous en dit, sans contrainte aucune, bref, je veux la liberté totale sur ce blog.

- trouver une plateforme me permettant de glisser progressivement vers une rémunération de mes écrits. La chose est loin d'être garantie, il faut aller à la pêche de son public (en remontant les cours des sites d'informations ou en glanant et cueillant ici ou là quelque chaland dans quelque bucolique blog..), mais je ne peux prétendre à construire ce projet sans disposer de la bonne plateforme (ouverte à la pub au moins).

Ces deux conditions sont pour moi essentielles, et je demeure convaincu de l'importance primordiale du bon format, support, contexte d'écriture pour construire quelque chose de valable. Je fais donc appel à votre bon coeur, "Messieurs-Dames", à vous qui me ne me lirez pas ou si peu, mais avez peut être de bons conseils à me donner, et à vous qui me lirez ponctuellement ou plus régulièrement, et pour lesquels je veux planter dans un terrain non argileux les fondations d'un monument qui, je l'espère, restera gravé dans quelques mémoires, pour un temps ou pour longtemps...Il ne tient qu'à vous de m'aider.

dimanche 10 avril 2011

Cartons et carton pâte

Lorsqu'on change de maison, d’environnement, il est toujours difficile de se séparer de ses affaires, de couper le fil. J'ai donc pris le parti de ramener dans mes cartons ce billet, le dernier que j'avais publié sur mon ancien blog, de quoi planter un peu plus (sommairement) le décor.


                                                                             


     

                                A quelle sauce la pub vous mange-t-elle vraiment ?

   Brand content, earn media, storytelling, ROI ou ROA… derrière ces ingrédients savoureux aussi limpides que du E304  dans un petit pot pour bébé, se cache un paradoxe vivant, une île sauvage encore riche en promesses et un univers global tout à la fois. Verger verdoyant aux pommiers défendus pour le consommateur lambda dit « cible », la publicité, bien plus qu’une boîte de Pandore, est une guerre, et ses petits soldats, parés en marketing process, la mènent sur tous les fronts, en tous points de la planète, au même moment, par tout médias possible. Restez bien assis sur votre fauteuil, détendez vous, le scénario de votre vie a déjà été écrit pour vous.

  La publicité est une femme, jolie quand elle le veut bien. Tour à tour mystérieuse, envoutante,  d’une compagnie agréable ou au contraire envahissante, intrusive, indiscrète voire médisante. Cette femme là a son caractère, « parce qu’elle le vaut bien ». Echos entêtants de phrases toutes simples, comptines et refrains sur un air de retour sur investissement, la pub nous parle, chante, crie, murmure à l’oreille, mais tout le temps, partout. La pub est une créature à part qui sait bien ce qu’elle veut( « une femme qu’on n’oublie pas »), mais que veut-elle au fond ? Nous vendre des choses, certes, mais aussi créer du rêve, un fil émotionnel, s’inscrire dans l’histoire même de l’individu…ainsi, quand la campagne de pub devient compagne,  mariage forcé de l’homme libre avec son produit, le divorce semble une option hors de portée.

   La démarche que je veux adopter ici est celle d’un consommateur devenu consommacteur,  brandissant de grands principes et idéaux humanistes face aux moulins à vents d’une publicité jadis bonne maman pleine de prévenances, devenue à présent maîtresse vamp ou meilleure amie souvent possessive, étouffante.
   Acheter équitable, « vivons bien, vivons moins cher », « le positif est de retour », « la qualité pour tous », « tous unis contre la vie chère »..La pub se fait message idéologique, elle s’excuse d’être pub, prend fait et cause pour la pauvre cible (le consommateur standard à l’ancienne, dit passif) et défend « ses intérêts » contre la méchante société de consommation qui crée des besoins concurrents (et donc inutiles). La pub « communicante » est cette bonne copine qui vous prend doucement par la main et vous amène vers le bon produit, celui qui vous « fait et vous veut du bien ».Ce passage émouvant de la vieille publicité qui communique  à la nouvelle communication qui englobe (engloutit) le message publicitaire, tel un détail charmant( ce sont les  vertiges  et autres « sensations pures » des produits laitiers par exemple, en toile de fond d’un message sur la santé..) porte le doux nom de brand content. On fera bien ici la distinction entre brand content, synonyme de création dans lequel s’insère la pub, le produit,  et le branded content, l’invité qu’on n’attend pas, la publicité paresseuse insérée dans une communication tierce. Car le brand content (qu’on traduira par « contenu »), c’est l’idée implicite que la pub en soi est un ensemble vide, aussi léger que l’air  du temps dans l’esprit des gens. Or pour capter l’attention de la cible, lui faire prendre conscience que son acte de consommation sert une grande cause (la sienne), il convient d’aller chercher la dite cible dans les endroits où elle est le plus réceptive, vulnérable, autrement dit, dans ses loisirs. Rien ne sera donc épargné au consommateur-cible, lorsqu’il écoute de la musique, lorsqu’il joue, lit ou regarde des vidéos..En jeu ici le fameux ROA rugissant (Return Of Attention) sorte de « geste » implicitement demandé au consommateur pour  tout le bien qu’on lui a prodigué  par tous ces bons conseils, et dont le savoir vivre commandera d’avoir la décence d’acheter le produit ou service lié à la marque ayant transmis la bonne parole…
  Au commencement était le produit…quand la pub se fait légende et raconte la grande saga d’une marque (storytelling), le consommateur, pris d’affection toute admirative pour cette grande aventure à laquelle il est convié, à sa mesure, à participer, ne pourra décemment pas laisser passer cette « chance » de « rentrer dans l’histoire », d’approcher une marque, véritable témoin de son époque, et d’intégrer à son tour la « génération untelle (nom du produit ) ». C’est l’idée que la marque a grandi avec vous, vous a accompagné pendant toutes ces années, tout comme elle avait accompagné avant vous vos parents ou grands parents, et qu’elle suivra de près vos intérêts futurs et ceux de vos enfants.
 La pub est donc « votre amie », mieux, elle vous ressemble, partage vos indignations, vos rêves, a vécu  les mêmes épreuves et connaît les mêmes inquiétudes quand à l’avenir. Confiez vos rêves à la pub, elle vous en fabriquera d’autres, encore et toujours..Car la publicité est, il faut bien le dire, un peu envahissante, c’est cette connaissance un rien  fatigante qui ne veut pas rentrer chez elle, qui feint de partir par la porte pour revenir par la fenêtre, la cheminée, ou toute ouverture disponible. En témoignent le nombre importants de stratégies publicitaires (marketing stratégique, marketing opérationnel, marketing de combat, marketing viral, buzz marketing, campus marketing, marketing amont, marketing aval, marketing terrain, marketing de réseau, marketing de service, marketing direct, marketing électronique, marketing global, marketing humanitaire, marketing industriel ,marketing international marketing interne (ou corporate, la pub au sein et au service de l’entreprise elle même), marketing local, marketing-mix, marketing one-to-one, marketing politique, marketing relationnel, marketing sportif, marketing de combat, marketing de persuasion, marketing sensoriel, marketing territorial, marketing urbain, télémarketing, géomarketing, marketing social, permission marketing, cybermarketing,  trade-marketing, etc..). La publicité est donc telle une poupée Barbie, récréative pour la ménagère de moins de cinquante ans et son éternel cœur d’enfant, aguicheuse pour le bonus pater familias, jamais lassé de ses mille et une parures, excentricités,  formes, avatars. Car la pub est  tout, tout ce que l’on voit, entend, partout, tout le temps. Aujourd’hui dans vos magazines, tablettes, jeux vidéos, émissions tv ou  chansons, demain dans les caméras de surveillance (les marques, aujourd’hui floutées, seront demain mises en scènes) et pourquoi pas dans votre miroir intelligent, dans votre frigo intelligent, sur vos paquets de biscottes intelligentes, dans vos toilettes communicantes,  dans votre cyber douche, ou dans votre sommeil (« dormez tranquille avec la marque Untelle, nous rêvons pour vous »).

Et le consommacteur, dans tout ceci?La liberté est elle dans le choix du produit?Manger bio, sauver la planète, acheter responsable, rémunérer les petits producteurs, réduire les emballages...encore du marketing! Faire participer le consommateur dans l'élaboration d'une pub qui le concerne et lui parle vraiment(cocréation)?C'est encore une stratégie publicitaire. Alors bien sûr, il reste de grands groupes de pression (lobbies) qui défendent les intérêts collectifs du consommateur, brassant pelle mêle de grands idéaux sur la dignité humaine, la solidarité, le développement durable, le pouvoir d'achat..Mais qui les finance ?Comment ne pas suspecter de partialité un lobby ayant trait à une consommation ciblée, et donc fidélisante pour le consommateur ?Comment vérifier que telle entreprise reverse effectivement équitablement une partie de ses revenu à tel petit producteur, à la recherche contre telle maladie orpheline, à la sauvegarde de l’environnement ? Je parlais il y a peu à une connaissance musulmane qui m’affirmait que 90% des produits estampillés hallal ne le sont en fait pas, la chose ayant été vérifiées par des reporters infiltrés. 

En guise de conclusion,  je rappellerai seulement qu’ « un bon vendeur est un bon menteur » (sagesse populaire), et que connaître le vrai du faux en matière de publicité s’avère aussi ardu et illusoire que de dresser la carte du degré de toxicité/pollution de sa région et de ce qu’elle contient en temps réel, tout facteur confondu (nappe phréatique, sols, air, produits de la terre ou de la mer..). Il est louable de « prendre conscience » que la terre « est malade » (et nous aussi par la même occasion), qu’il faut la protéger, mais ne rêvons pas, le consommacteur n’a aucune prise sur ce monde de produits qu’il trie sans produire lui-même, c’est un spectateur un peu dissipé que des stratèges en marketing segmenteront en « consommateur exigent ». Nous pouvons donc dormir sur nos deux oreilles.

Quelques liens pour vous faire une idée plus précise: 

Décor et personnage, acte 1 scène 1

  La scène se passe à Nice, mais elle aurait pu tout aussi bien voir le jour à Toronto, Voronej, Kuala Lumpur ou Brasília. Le personnage, un homme de la trentaine, vous, moi (mais surtout moi, en l’occurrence), fait partie de cette masse indistincte de gens dont on ne sait que dire, dont on ne sait que penser, un homme désespérément "normal" dans un monde anormal, un silence dans la symphonie, l'écho d'un murmure rêvé, une boîte vide parée de jolies couleurs.

Vous l'aurez compris peut être, il ne sera pas question de moi ou de mes "questionnements existentiels", de mes "coups de coeurs" ou "coups de dents" contre tel ou tel phénomène de mode. De ce blog, je veux faire un "anti-blog", un terrain de jeu, un enclot pour y laisser galoper mes mots. L'écriture, cette chose rare et délicate, telle une belle femme qu'on courtise, sera la toile de fond de cette terre d'expérimentations.